Coordination

Joëlle Morrissette, Université de Montréal
Joachim Rapin, Université de Lausanne
Marc Zune, Université de Louvain


Texte de cadrage

Dans un ouvrage précédent (Demazière et al., 2019), nous avons analysé la socialisation professionnelle en combinant deux approches, théorique et méthodologique. D’une part, nous l’avons observée à l’échelle des situations et des activités de travail, en mettant l’accent sur les formes de socialisation qui se déploient au cœur du travail quotidien, de manière fluide, discrète, informelle (Darmon, 2006 ; Avril, Cartier et Serre, 2010). D’autre part, nous avons centré les analyses empiriques sur des néophytes découvrant des contextes de travail ou confrontés à des situations problématiques dans des domaines divers, leurs étonnements sinon leurs « faux-pas » étant producteurs de réactions socialisatrices au sein de leur écologie professionnelle (Hughes, 1958). Dans le prolongement de ce travail, nous prenons appui sur le constat d’un contexte marqué par des difficultés croissantes d’accès à l’emploi et de déstabilisations des parcours professionnels, dans plusieurs contextes nationaux. De fait, ceux-ci sont plus irréguliers aujourd’hui pour plusieurs raisons: des pénuries de main d’œuvre sectorielles incitent à une mobilité vers de meilleures conditions de travail ou d’emploi; les flux migratoires intensifiés amènent des travailleurs « étrangers » sur le marché de l’emploi; la technologie, les aléas économiques, la dégradation de la santé génèrent des situations de chômage nécessitant une réorientation; etc. Comment (ré)apprend-on à pratiquer une activité professionnelle lorsqu’il y a eu rupture, bifurcation? Quels processus de socialisation s’enclenchent dans le cas de nouveaux venus qui ont acquis une expérience professionnelle ailleurs, parfois une expérience en décalage avec l’emploi convoité? Comment se négocient au sein d’une nouvelle écologie les significations et normativités du travail, les savoirs spécialisés et l’intelligence pratique des situations développée dans d’autres cadres ou métiers? À quelles conditions, selon les contextes, est-on acculturé à un nouveau « code du travail » (Diédhiou, 2018) et à de nouvelles routines, et donc reconnu comme membre? Et à partir de l’hypothèse selon laquelle les savoirs constituent des processus négociés et situés en interaction (Baszanger, 1986), comment, dans une situation de rupture professionnelle, peut-on mobiliser une expérience antérieure ou décalée pour valoriser de nouvelles manières de concevoir le travail et de le pratiquer, pour s’insérer dans un collectif de travail, voire l’influencer?


Liste des références bibliographiques

Avril, C., Cartier, M. et Serre, D. (2010). Enquêter sur le travail. La Découverte.

Baszanger, I. (1986). Les maladies chroniques et leur ordre négocié. Revue française de sociologie, 27(1), 3-27.

Darmon, M. (2006). La socialisation. Domaines et approches. Armand Colin.

Demazière, D., Morrissette, J. & Zune, M. (dir.) (2019). La socialisation professionnelle, au cœur des situations de travail. Octarès.

Diédhiou, S.B.M. (2018). Co-analyse de la reconstruction du savoir-évaluer d’enseignants migrants en situation d’intégration socioprofessionnelle au Québec. Une recherche collaborative [thèse de doctorat], Université de Montréal.

Hughes, E.C. (1958). Men and their Work. The Free Press.


Contributeurs et contributrices

Catherine Bélanger Sabourin, Université du Québec à Montréal ; Nina Najman-Zaïkoff, Université du Québec à Montréal ; Jorges Flores-Aranda, Université du Québec à Montréal ; Altay Manço, Institut de Recherche, Formation et Action sur les Migrations ; Joëlle Morrissette, Université de Montréal ; Marlène Larochelle, Université de Montréal ; Sébastien Arcand, Haute école de commerce/Université de Montréal ; Oumaïma Mahjoubi, Université de Montréal ; Don Durvil Youyou, Université de Montréal ; Valérie Hugentobler, HETSL ; Monika Piecek, HETSL ; Damien Miorenza, HETSL ; François Aubry, Université du Québec en Outaouais ; Manuella Roupnel-Fuentes, Université d’Angers ; Pauline Delperdange, Université de Louvain ; Julie Aglave, Université de Louvain ; Isabel Raemdonck, Université de Louvain ; Margherita Bussi, Université de Louvain ; Julie Gérard, Université de Liège ; Aline Bingen, Université Libre de Bruxelles ; Marc Zune, Université de Louvain ; Marie-Jeanne Blain, Université de Montréal ; Mme Corinne Beguerie-Goddaert, Université Laval.